Le manoir hanté

Morgane était étendue dans son sac de couchage, les bras derrière la tête et écoutait les bruits qui filtraient à travers la toile de sa tente. Le vent qui soufflait en rafales glaciales faisait vibrer les cordes en un chant plaintif tandis que les cris des chouettes en chasse, venaient parfois en accompagnement. Elle frissonna et rabattit son duvet sur sa tête avant d’essayer de s’endormir. Elle devait être en forme pour la journée de demain…

Non loin de là dans le grenier du manoir, un étrange conciliabule se déroulait.

- Je vous dis que cette humaine à l’intention de s’établir ici ! Je le sais, j’ai vu les cartons et les valises dans son… son véhicule bizarre!
- Calmes toi. Rien ne sert de paniquer.
- Ram’s a raison. Ce n’est qu’une humaine après tout ! Il suffira de lui faire suffisamment peur et elle décampera comme tous les autres avant elle.
- Hum… Je ne sais pas si c’est une si bonne idée que ça…
- Comment ça ? ça a toujours marché jusqu’à présent.
- Oui mais nous devons également éviter de trop attirer l’attention. Souvenez-vous de ce qui s’est passé la dernière fois…

Ses interlocuteurs baissèrent les yeux contrits.

- Tu préfères qu’on « le » mette au courant et qu’ « il » décide de s’en occuper lui-même ?! Demanda une voix suraigüe et criarde mais indéniablement féminine. Si jamais il apprend qu’un humain est à proximité…

Les autres frissonnèrent d’effroi et reculèrent craintivement à cette perspective. Comme si le fait de « l’ »évoquer pouvait le faire apparaitre. Mais son opposant ne cilla pas.

- Qui parle de le prévenir ou de le laisser intervenir ? Pour le moment, profitons de son absence. Il ne sera pas là avant une bonne semaine. Cela… nous laisse le temps de réfléchir plus murement à la situation et de planifier une solution durable et vraiment efficace. Car vous pouvez être sûr d’une chose, c’est que nous ne pouvons pas continuer ainsi indéfiniment. Désormais même le temps joue contre nous et si nous ne voulons pas disparaitre, il va nous falloir agir avec ruse et prudence.
- Mais alors ? qu’allons-nous faire ? demanda la première voix geignarde ?
- Observer et aviser ! Pour le moment surveillez la mais ne vous montrer sous aucuns prétextes ! Attendons de voir ce que veut cette humaine…

Le silence consentant qui résulta de cette dernière affirmation fut la conclusion de la petite réunion et les ombres s’éparpillèrent, regagnant leurs antres respectifs. Seule une seule d’entre elle resta dans la pièce et se rendit à la lucarne ronde, seule fenêtre présente. Elle se pencha au carreau et regarda au dehors.
Sous la lumière blafarde et laiteuse de la lune, elle distingua la petite pyramide de toile où se trouvait la cause de tout cet émoi.
Oui, pensa-t-elle. S’ils voulaient survivre dans ce monde, eux aussi devaient évoluer…

Le vent avait soufflé toute la nuit et chassé tous les nuages de la région. Ce fut donc une magnifique journée ensoleillée qui accueillit Morgane à la sortie de sa tente.
La jeune fille avait revêtu un jeans usé et troué au niveau des jambes, une vielle chemise blanche à gros carreaux bleu, nouée à la taille et avait tressé ses longs cheveux bruns en une longue natte qui lui tombait dans le dos.
Elle récupéra son matériel dans sa camionnette et pénétra dans le hall, un air déterminé sur son délicat visage aux traits fins.
Désigné pour l’espionner car il était le plus à même de se déplacer sans être vu, le fantôme, (car vous aurez compris que seul un spectre pouvait traverser les murs) qui l’avait découverte hier, tentait de découvrir la fonction des étranges objets que la jeune humaine tenait dans ses mains.
Certains étaient reconnaissables : la grande barre de fer, les chiffons, le seau et les balais, tout ça il connaissait. Mais quel était donc cet étrange machin bizarroïde, monté sur roulettes et pourvu d’un très long nez, qu’elle tirait derrière elle et qui de ce fait, la suivait comme un familier à la démarche maladroite et zigzagante ?
Elle posa le tout au sol, au milieu de la pièce et commença par ouvrir toutes les fenêtres, avant d’en arracher les planches qui les calfeutraient, à l’aide d’un pied de biche.
Certaines d’entre elles auraient besoin de solides réparations et toutes gagneraient un bon coup de peinture fraiche. Mais pour l’heure, Morgane se contenta, avec une burette, de huiler toutes les charnières, portes y compris, jusqu’à ce que les battants s’ouvrent facilement et sans grincements. Après quoi, elle tenta de brancher son aspirateur mais ne réussit qu’à faire sauter les plombs, depuis longtemps dépassés et se rabattit donc avec résignation, sur un balai.
Toute la journée durant, Morgane balaya, épousseta, lava et briqua le grand hall. Elle ne fit qu’une pause à midi, pour avaler un rapide repas et s’absenter une heure pour se rendre en ville où elle eut la chance de tomber sur un quincaillier qui vendait des plombs qui pourraient sans doute s’adapter au compteur archaïque du vieux manoir.
Durant son absence, le fantôme fit son rapport à ses amis et ils furent encore plus perplexes quant aux intentions de la jeune femme. Ils espéraient que ce grand nettoyage n’était pas le signe de nouveaux arrivants prévus et ils encouragèrent leur compagnon spectral à continuer ses observations.
Quand elle fut de retour, Morgane ne reprit pas son ménage immédiatement. Munie du plan de la maison, elle entreprit de retrouver l’accès menant à la cave et au tableau électrique. Elle le dénicha derrière une porte, dans un des couloirs, celui qui menait aux cuisines selon le plan.
Armée de sa lampe torche, elle descendit les marches craquantes et couvertes de poussières jusqu’au compteur. Là, elle changea tous les fusibles, heureuse de constater que ceux qu’elle avait acheté rentraient parfaitement dans la loge des anciens.
Après s’être assuré que l’humaine ne remonterait pas dans l’immédiat, le fantôme quant à lui, intrigué par la machine à roulette, flotta jusqu’à elle et l’examina de près. De forme ovale, un long tuyau flexible fait d’une matière inconnue relié à un tuyau de métal, lui-même terminé par un embout carré, un long fil le tenait attaché à la prise du mur ce qui lui indiqua que « l’engin » devait être « élektrik » comme on le lui avait enseigné quand il s’était établi ici. Deux gros boutons surmontaient le dessus de l’ovoïde roulant et mû par la curiosité, le spectre appuya sur chacun d’eux. Le premier ne réagit pas, tandis que le deuxième raccourci la « laisse » brusquement le faisant sursauter. Il préféra alors peureusement, s’intéresser au tuyau et son embout, le portant à son nez pour essayer de déterminer l’usage de ce dernier. Il tentait de regarder l’intérieur, lorsque Morgane qui avait remplacé tous les fusibles releva le disjoncteur principal.
L’aspirateur se mit brusquement en marche, faisant sursauter la jeune femme qui se demanda ce qu’était ce bruit soudain, et aspira le malheureux curieux qui se retrouva brusquement prisonnier dans les entrailles de la « bête » et poussa un cri de terreur. Il tourbillonna dans le tuyau et atterrit dans le sac au milieu de la poussière. Un instant, il oublia sa condition plasmique et paniqua. Puis il sortit en trombe et terrifié de l’aspirateur au moment où Morgane jaillissait dans la pièce pour voir ce qui se passait. La seule chose qu’elle aperçut fut un nuage de poussière s’élevant vers le plafond qui retomba doucement tandis qu’elle éteignit l’appareil.
Etrange; pensa-t-elle. Elle était persuadée d’avoir éteint l’aspirateur quand les plombs avaient sautés…

Haussant les épaules, elle décida de ne pas en faire cas et fini le nettoyage du hall.
Les jours suivants elle s’attaqua à la cuisine, au petit salon puis au grand, à la salle de bal et enfin la salle à manger. L’aspirateur lui fit gagner beaucoup de temps bien qui fallut changer fréquemment son sac tant il y avait de poussière et de toile d’araignée. Elle dépoussiéra également les tapis, déclenchant une véritable tempête de poussière qui fit éternuer non seulement la jeune fille mais aussi son malheureux espion, menaçant presque à chaque fois de le faire découvrir. Enfin après une longue journée de grand nettoyage, elle s’arrêta passant une main sur son front trempé de sueur, satisfaite de son travail.
Cela faisait une semaine qu’elle était arrivée et elle en avait enfin fini avec le rez-de-chaussée. Demain elle s’attaquerait à l’exploration et au ménage de l’étage…
Mais pour le fantôme et ses compagnons, la situation s’annonçait grave, très grave. Car ils en étaient sûr à présent, la jeune femme avait l’intention de s’établir dans le manoir.
En effet, pendant que le peureux spectre la surveillait, un autre des compagnons en avait profité pour éplucher les affaires de Morgane et avait notamment découvert l’acte de propriété.
Comme si cela ne suffisait pas, dès le lendemain, la jeune femme s’aventurerait dans l’étage et découvrirait immanquablement que non seulement le manoir était occupé, mais également la nature de ces occupants et alors…
Le petit fantôme tournait en rond en voletant de long en large à travers le repère des compagnons, incapable de calmer sa panique.

- Tu veux bien arrêter de « faire les cents pas » ce n’est pas comme cela qu’on va trouver une solution !
- Et ça m’énerve Rrrrrrooooow
- M’enfin vous vous rendez bien compte ?! cria le spectre la voix rendu aiguë par la peur. Non seulement cette fille va nous découvrir et surement nous chasser d’ici mais surtout dans deux jours « il » reviendra et si jamais il découvre qu’une humaine se trouve ici…

Il frissonna de terreur.
Un long soupir se fit entendre.

- En fait mes amis, je crains qu’il ne nous reste qu’une seule solution… Il faut lui faire passer « le » test.
- « Le » test ?! mais tu n’y penses pas ! Elle n’est pas des nôtres ! Et puis… Qui dit qu’elle acceptera ?!
- Justement ! en ça résidera le véritable test. Sa réaction constituera la première des réponses à nos questions, car alors, elle nous aura prouvé ses véritables intentions. Il ne nous restera plus qu’agir en conséquence. Et il faut le faire dès demain ! Nous aurons une meilleure chance de réussite sans « lui ». Et nous aurons également deux jours pour la préparer.
- La préparer hein ? hé ben… t’as de l’espoir. J’espère qu’elle le cœur bien accroché la gamine. Parce qu’elle va en avoir besoin pour « l’affronter »
- Ça, on le découvrira dès demain. Puisqu’on est d’accord, voilà comment on va procéder…

Pendant ce temps, Morgane loin de se douter de ce qu’il l’attendait le lendemain, profitait du fait d’avoir une pièce propre et testait la cuisine au bois…
La jeune fille avait hâte de découvrir les pièces du haut. Depuis toute petite elle rêvait de vieille demeure remplies de trésors et celle-ci assurément n’en manquait pas. Lors de son nettoyage, elle avait déniché toute une ménagère de la plus fine porcelaine finement décorée et des couverts en argent qu’il lui faudrait frotter pour leur rendre leur lustre. Il y avait aussi toute une collection de verre en cristal de la plus belle factures (sans parler des lustres de la salle de bal et ceux de la salle à manger.) Morgane était sûre que les chambres du haut lui réservait aussi de très belle surprises et elle eut beaucoup de mal à trouver le sommeil tant elle était pressée d’arriver au matin.

Un rayon de soleil s’infiltra sous la tente et vint caresser la joue de la belle endormie qui s’éveilla le sourire aux lèvres. Elle s’étira longuement, s’habilla et se rendit à sa nouvelle cuisine pour prendre un bon petit déjeuner.
Lorsqu’une heure plus tard, elle se trouva devant le grand escalier en marbre, son cœur battait à la chamade, tant elle était curieuse. Elle inspira à fond pour se calmer, posa sa main sur la rambarde de bois qu’elle avait reciré la veille et allait poser le pied sur la première marche lorsqu’une voix se fit entendre la faisant sursauter.

- Je serais toi, je ne monterais pas là-haut.

La voix semblait timide, peu assurée, et…. totalement dépourvue de corps.
Morgane avait beau se tourner en tous sens, elle ne voyait personne.

- Qui est là ? Demanda-t-elle d’une voix qu’elle espéra assurée.
- Un des « vrais » propriétaires de cet endroit. Fuit si tu ne veux pas subir notre courroux !

La jeune femme fronça les sourcils. D’après ce qu’elle savait, le manoir avait été mis en vente car inhabité depuis cinquante ans et sans propriétaire vivant connu. Pour s’en débarrasser, la mairie l’avait vendue pour une bouchée de pain. La jeune femme se dit que c’était surement une blague de gamins et allait leur déconseiller de déguerpir quand un détail lui revint en mémoire. Prenant une voix douce elle chuchota.

- Vous êtes un fantôme ?

Cette fois ci, bien qu’elle ne puisse pas le voir, ce fut notre petit spectre qui sursauta. Comment avait-elle deviné ? La surprise l’ébranla tellement qu’il en perdit le contrôle de son invisibilité et apparu devant la Morgane qui ouvrit de grands yeux surprit.
Tout confus, il se mis a bégayer des mots incohérent et voulu prendre la fuite, mais Morgane l’interpella.

- Attend ! Reviens, je ne te veux aucun mal ! Je m’appelle Morgane.

Le petit fantôme s’immobilisa et revint timidement devant la jeune femme.

- Tu…tu n’as pas peur de moi ?

Morgane lui sourit.

- Et bien je ne peux pas dire que j’ai l’habitude de croiser tes semblables, ni même que je croyais à votre existence, mais devant une telle preuve, je suis bien obligée de l’admettre. Et puis…. Tu n’es pas effrayant du tout.

Elle lui fit un sourire désarmant, qui fit briller le petit fantôme un peu plus fort, l’équivalent d’un rougissement chez lui. Toutefois , il reprit son sérieux et lui dit.

- Nous ne sommes pas tous comme ça. Certains d’entre nous sont…. Beaucoup plus effrayant…
- Vraiment ? Vous êtes nombreux ?
- Et bien… Nous sommes six à vivre ici.
- Six ? Waouh ! je ne pensais pas avoir autant de colocataires ; lui répondit elle dans un clin d’œil complice.
- Oui euh… ça reste encore à débattre… Euh… En fait ma mission était de te tester avant de te conduire à eux. Vu que tu sembles avoir passé l’épreuve avec succès, je vais te conduire à eux. Suis-moi s’il te plait.

Le petit fantôme entraina la jeune fille vers le salon. Morgane n’en revenais pas, elle allait rencontrer des fantômes. Elle marcha aux côté de son nouvel ami, le cœur battant de plus belle.

Tandis qu’ils remontaient le long couloir menant au salon, Morgane se souvint qu’elle ne connaissait pas le nom du spectre.

- A propos, as-tu un nom ?

Le fantôme s’arrêta juste devant les portes de leur destination. Il regarda l’humaine d’un air perplexe puis répondit d’une voix timide.

- J’ai oublié mon vrai nom depuis bien longtemps, mais les « autres » m’appellent Ghosty.
- Ghosty ? c’est mignon.

L’humaine, Morgane lui souriait gentiment ce qui fit rougir le petit fantôme de plus belle. Il commençait à l’apprécier de plus en plus. Il demanda à la jeune fille d’ouvrir, puisque lui en étais incapable, mais prit soin de passer devant elle.
- La voilà ; dit-il à l’assemblée réunie. Je vous présente Morgane.

La jeune femme se tétanisa devant la vue des occupants du salon. Elle s’était préparer mentalement à rencontrer les amis de Ghosty, sur le chemin, mais rien ne l’avait préparé à ça !

En fait de fantôme, elle se retrouvait devant une pléiade des monstres les plus connus du monde fantastique.
Entre horreur et fascination, la jeune fille semblait incapable de faire un geste, de dire un mot.
Un jeune homme, beau comme un dieu avec ses cheveux noirs, son regard bleu ciel et son teint blanc, s’avança vers elle, saisit sa main avant d’y déposer galamment un baiser.
Sa main était aussi froide que de la glace et le mot vampire s’imposa à l’esprit de Morgane qui frissonna malgré elle. Il releva son regard envoutant sur elle et se présenta d’une voix charmeuse.

- Bienvenue au manoir des ombres perdues, douce Morgane. Je me nomme Drake, voici, Wolf et sa compagne Ivy et lui c’est Ramsé. Vous connaissez déjà Ghosty bien sûr.

Le vampire avait désigné un à un ses compagnons pendant qu’il les présentait. Un loup garou, une furie à l’air mauvais et…. Une momie.
La jeune fille cherchait désespérément à reprendre le contrôle de son corps.

- Euh…. Je…. En…Enchantée de faire votre connaissance. Je…. Excusez ma réaction…. Je… je ne m’attendais pas à ça.
- Je comprends ; lui répondit le dénommé Drake.
- Il faut dire que ce genre de rencontre n’est pas courante…. Même pour nous ; continua le loup Garou.
- Les humains sont trop froussards ; rétorqua la Furie de sa voix aigüe. Visiblement elle ne semblait pas apprécier la présence de l’humaine et se serrait possessivement contre son compagnon.

Un peu mal à l’aise, Morgane essayait de se reprendre. Ce qu’elle vivait était une expérience incroyable qui ne se représenterait surement pas deux fois dans sa vie. Elle espérait seulement que tout cela ne finirait pas en film d’horreur. Puis elle se remémora un détail, fronça les sourcils et osa demander.
- Mais… Ne devriez-vous pas être plus nombreux ? Il me semblait que vous étiez six ?

Elle se tourna vers Ghosty pour confirmation et fut surprise de le voir trembler.

- Nous sommes effectivement six ; répondit à sa place le séduisant vampire. Mais… Damon est un peu particulier. Il convainc de vous… préparer psychologiquement avant de le rencontrer. Et pour l’heure ce n’est pas l’ordre du jour. Voyez-vous, Mademoiselle, si nous avons pris le risque de nous dévoiler à vous c’est parce que nous sommes inquiet de notre tranquillité dans ce qui est depuis longtemps notre résidence. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous préciser vos intentions au sujet de ce manoir. En fonction de quoi… Nous agirons en conséquence…

La dernière phrase fut lâchée froidement et Morgane comprit que son sort se jouerait ici et maintenant. Elle inspira lentement pour se donner du courage et se montra honnête.

- Et bien… J’ai toujours rêvé de vivre dans un de ces vieux manoirs. J’ai acquis celui-ci dans l’espoir de le restaurer et d’y habiter.
- Au point d’en chasser ses locataires ? demanda Ramsé d’une voix poussiéreuse.
- Non ! Bien sûr que non ! Je… J’ignorais que cette demeure abritait des…gens comme vous ! Je… Je suis certaine que nous pourrions tous cohabiter ensemble si vous acceptiez.
- Et si nous refusions ? lança Ivy.
- Et bien… je… le comprendrais, je crois, mais… Elle inspira à fond. Laissez-moi vous poser une question. Combien de temps pensez-vous pouvoir vivre ainsi en autarcie ?
J’ai acheté cette maison pour trois fois rien parce que c’était l’ultime tentative de la communauté d’en tirer quelques chose. Sans moi, Tôt ou tard cette maison aurait été rasée et son terrain utilisé a quelque projet immobilier. Je ne pense pas me tromper en disant que ce que vous souhaitez, c’est vivre en paix loin des humains. Mais pour cela vous avez besoin de quelqu’un qui puisse défendre vos ’intérêts à travers celui du manoir. En ça je pourrais vous aider…

Morgane se tu le souffle court et le cœur battant à tout rompre. Elle venait de se proposer à vivre avec les créatures les plus dangereuses d’un monde qu’elle croyait jusqu’alors imaginaire. Elle n’aurait su l’expliquer alors, mais elle était intérieurement convaincue qu’une telle cohabitation entre eux et elle, une humaine, était possible. Elle attendit leur réponse anxieuse.

Un silence de mort tomba sur la pièce et rien ne semblait pouvoir le briser. Drake fixa la jeune femme un long moment avant de lui répondre.

- Vous parlez de défendre nos intérêts. Comment ? Et surtout pourquoi ? Nous sommes des créatures de l’ombre, des parias indésirés et indésireux de se mêler aux humains…
- Vous êtes…différents, c’est vrai. Et on vous prête mauvaise réputation. Pourtant, alors que vous auriez pu en faire usage pour me chasser, vous avez préférez, vous dévoiler. Je pense que vous avez conscience que vivre caché dans ce manoir ne sera pas éternellement possible. Mais avec un humain comme « propriétaire », quelqu’un qui ferait « acte de présence » en public, votre secret demeurerait intact ainsi que la « survie » du manoir. Je ne demande que de pouvoir y habiter également en échange.
- Vous avez conscience que nos modes de vie diffèrent grandement ? Sans parler de nos régimes alimentaires...Demanda Wolf

Morgane soupira. Tout aller se jouer sur sa réponse.

- J’ai conscience que ce ne sera peut-être pas facile au début. Nous allons devoir apprendre à nous connaitre et à nous habituer aux uns et aux autres. Mais je suis prête à essayer et je sais que vous également. Sinon pourquoi vous être découverts ?

Un nouveau silence prit place et soudain Drake parti d’un grand éclat de rire.

- Décidément, je l’aime bien cette humaine. Elle est intelligente et très maline. Alors ? Tout le monde est d’accord ?

Toutes les têtes monstrueuses acquiescèrent et Drake reprit son sérieux aussi brusquement qu’il avait éclaté de son rire glacial.

- Très bien, Morgane, nous acceptons votre offre. Mais vous comprendrez que seuls nos semblables peuvent vivre ici. Si vous voulez habitez le manoir des ombres perdues, vous aller devoir devenir l’une des nôtres…

Le regard du vampire se fit intense et Morgane frissonna de terreur. D’une voix blanche et tremblante elle demanda ce que les créatures entendaient par là.

- Et bien… dans la mesure où nous avons besoin de votre humanité au quotidien, Nous ne pouvons décemment pas vous vampiriser ou lycanthropier. Même si je ne dirais pas non à une aussi jolie compagne. Pas vrai Wolf ?

Drake eut un sourire amusé mais effrayant devant la gêne du Loup Garou et le grognement menaçant de la Furie jalouse. Morgane quant à elle, ne sut si elle devait prendre peur ou se sentir flattée. Elle préféra revenir au sujet qui la concernait directement.

- Si vous ne prévoyez pas de me « transformer », qu’avez-vous en tête.

- En fait, intervint Ghosty qui semblait à présent tout exciter. Il n’existe qu’une seule catégorie susceptible de te permettre de conserver ton humanité… Tu dois devenir une sorcière…

Morgane regarda le petit spectre les yeux agrandit par la stupeur.

- Je dois devenir quoi ?!

Le vampire lança un sourire énigmatique à la jeune fille.

- Une sorcière douce Morgane. Pour devenir l’une des nôtres tout en conservant en apparence votre humanité, vous devez apprendre les arts occultes de la sorcellerie.

Morgane jeta un regard suspicieux à son interlocuteur.

- En apparence ? ça veut dire quoi exactement ?
- Je ne vous cacherez pas que devenir une sorcière entrainera forcément des changements en vous. Une nouvelle façon de voir et d’appréhender le monde. Peut-être cela changera-t-il aussi votre caractère ainsi que votre apparence physique. Mais si cela peut vous rassurer, Ces changements ne seront pas plus importants que l’évolution d’un enfant passant à l’âge adulte…
- Je vois… Juste une question…
- Oui ?
- Où se trouve l’école des sorciers ?

Morgane avait lancé cette piètre référence à « Harry Potter » en oubliant qu’il était fort peu probable que la plaisanterie évoque quelque chose chez ses futurs et étranges colocataires. Elle ne le réalisa qu’à l’écoute de la réponse plus que sérieuse de Ramsé.

- Il n’existe pas d’école pour la sorcellerie demoiselle. Mais heureusement pour vous, nous avons… accueillit une sorcière en notre sein… il y a quelques temps…à son… départ, elle a… laissé pas mal d’affaires ici qui pourrait vous être utile. Pour le reste, nous tacherons de vous guider le mieux possible… Mais sachez que la majorité de votre apprentissage viendra de vous seule…

- On pourrait même lui laisser « sa » chambre. Ça éviterait d’avoir à tout déménager. Ajouta pompeusement Ivy.

Morgane comprit au ton hésitant et évasif de la momie que quelque chose se cachait derrière cette histoire de sorcière. Elle choisit cependant de ne rien dire. Peut-être qu’une fois qu’ils se connaitraient mieux, aurait elle l’explication. Ghosty choisit ce moment de tension palpable pour égayer l’atmosphère.

- Et maintenant, montrons lui la maison, Viens, tu vas adorer !

Il saisit la main de la jeune fille qui surprise par son contact froid frissonna mais se laissa entrainer par son nouvel ami. Ils furent suivis par les autres et retournèrent au pied du grand escalier.

- Vous connaissez déjà le rez-de-chaussée alors nous passerons directement à l’étage.

Et au groupe hétéroclite et étrange de lui faire visiter la salle de bain, la bibliothèque ainsi que la chambre de chacun décorée selon les gouts spécifique de son propriétaire. Ils gardèrent le meilleur pour la fin, la chambre qui serait désormais la sienne (et la dernière de libre du reste)
La pièce était vaste et de couleur sombre noire et violette. Une épaisse couche de poussière recouvrait les meubles et les tissus mais ne refroidit pas l’émerveillement de Morgane. Un immense lit à Baldaquin occupait presque tous le mur du fond avec deux tables de nuit massive en bois d’if. A droite se trouvait une immense armoire à glace et une coiffeuse du même bois. Le mur de gauche accueillait une table de travail couvert de grimoires et parchemins, une grande porte fenêtre qui donnait sur un balcon fleurit d’aubépine et une grande bibliothèque couverte d’autres grimoires, fiole et autres objet mystérieux.
La jeune fille décréta qu’elle adorait les lieux et voulut se mettre aussitôt à l’ouvrage pour la nettoyer de fond en comble. En sortant de sa chambre, elle remarqua pour la première fois une porte quasi invisible dans l’ombre du mur du fond du couloir où elle se situait. Elle se tourna vers Drake et demanda curieuse.

- Et là ? Qui y a-t-il ?

Le vampire grimaça et la mit en garde.
- Derrière cette porte, se trouve l’escalier qui mène à la tour. C’est aussi là que réside le dernier membre du manoir. Je tiens à vous avertir de ne jamais chercher à y pénétrer sans sa permission. Ni même de chercher à le voir s’il ne vous a pas transmis d’invitation. Il est de loin le plus sombre et le plus dangereux de nous tous. Enfreindre ces conseils vous coutera probablement la mort…dans le meilleur des cas…

Morgane frémit de terreur. Pour qu’un vampire craigne cet étrange résident, il devait être effroyable… En même temps, elle ne put s’empêcher de se demander ce qu’il était…